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21 décembre 2015

GABORIT Alexandre - WOOLF Stuart, Napoléon et la conquête de l'Europe, Flammarion, Paris, 1990.

couverture livre napoléon

WOOLF Stuart / CARLIER Jeannie et DETIENNE Isabelle, Napoléon et la conquête de l'Europe, Flammarion, Paris, 1990 ( BU Lettres - SHS, salle 21)

 

Présentation de l’œuvre :

Titre : Napoléon et la conquête de l'Europe

Auteur principal : Stuart Joseph WOOLF
a étudié l'histoire à Oxford et a enseigné à Cambridge, Essex, Columbia et à l'École des Hautes Études à Paris. Il est le spécialiste de l'histoire sociale, politique et économique de l'Europe de l'Ouest, en particulier de l'Italie. Il a également écrit sur la France, la famille et la pauvreté à la naissance de l'Europe moderne.

Autres auteurs : Jeannie CARLIER et Isabelle DETIENNE
traducteurs de l'ouvrage en anglais de Stuart J. WOOLF, Napoleon's integration of Europe

Éditeur : Flammarion

Lieu et année de publication : Paris, 1990

Collection : Histoires

Sujets :
└ Pensée politique et sociale au temps de Napoléon Ier, empereur des Français (1769-1821)
└ Guerres napoléoniennes (1800-1815) et mouvements de résistance en Europe
└ France, expansion territoriale (1789-1815)
└ France, relations extérieures (1792-1815)

Code de référence ISBN : 2-08-210950-X

Cote : 940.27 WOO

Lieu de conservation :
Bibliothèque Universitaire Lettres – Sciences Humaines et Sociales (salle 21), NANTES


Résumé :


      
Cette œuvre de Stuart Joseph Woolf retrace la conquête de l'Europe par Napoléon Ier, premier consul de France puis empereur au début du XIXe siècle (durant plus de 10 ans). Non pas en s'attardant sur la forme, c'est-à-dire les guerres napoléoniennes mais plutôt en explorant le fond, l’œuvre cherche à déterminer et comprendre l'ensemble du projet de Napoléon Ier, à savoir, étendre sur l'ensemble de l'Europe le système français tant sur un plan politique, qu'administratif, judiciaire ou encore social. Tout cela, afin de constituer une Europe « nouvelle, uniforme, modelée à leur image et les réactions des peuples conquis devant ce phénomène sans précédent ». À travers toute une série de témoignages de l'époque et de nombreuses données statistiques, cet ouvrage s'attarde, ainsi, à présenter le système napoléonien imposé (on parle dans le livre de « modèle »), non seulement en France mais aussi dans de nombreux pays d'Europe conquis (Prusse, Hollande, Piémont,...) et États contrôlés indirectement par la France (Westphalie, Naples,...). Stuart Woolf présente et analyse les différentes étapes de cette conquête, les moyens utilisés et la nature de ces derniers : économiques et surtout humains (officiers, magistrats, préfets,...). Face à cela, il montre les réactions des peuples et notamment une certaine « résistance inattendue à l'uniformisation et à l'autorité directive », due notamment à une identité culturelle forte dans chaque état. Mais, il démontre surtout à travers la pluralité des données et des exemples présentés, que le projet napoléonien reposant sur des idéaux spécifiques, a laissé un héritage plus que marqué de modernisation et de progrès certains encore présents aujourd'hui dans les sociétés humainement constituées : modernisation administrative, modernisation de la société, libéralisme... dont plusieurs dirigeants politiques s'inspirent pour la bonne marche de leur état.

Plan de l'Ouvrage :

Chronologie
Préface                                                                          p.7

Chapitre I : Les idéaux de la conquête sous la             p.11
Révolution et l'Empire

Chapitre II : Les instruments de la conquête                p.55

Chapitre III : Les pratiques de la conquête :                p.123
l'intégration administrative 
 

Chapitre IV : Les pratiques de la conquête                  p.193
l'exploitation

Chapitre V : Réponses à la conquête                            p.263

Épilogue : L'héritage                                                     p.337

Notes / Cartes / Index                                                    p.347

Compte-rendu de lecture :

Chronologie et préface :

     
Pour commencer cet ouvrage, l'auteur met à disposition du lecteur, une chronologie des événements importants liés à l'histoire de France et à la conquête de l'Europe par Napoléon Ier. Ainsi, du début de la Révolution Française de 1789 jusqu'à la défaite de Napoléon à Waterloo le 18 juin 1815, l'auteur présente les événements clés afin de permettre aux lecteurs de s'y référencer lorsque il évoque une situation, une date, une bataille et ainsi de bien avoir à l'esprit ce dont il est question. Il rattache à cela, une autre chronologie ainsi nommée « L'Europe sous la France », car l'enjeu de ce livre réside particulièrement dans le fait de comprendre et d'analyser comment évolue la France socialement, économiquement, administrativement, judiciairement parlant mais également de saisir cette organisation, dans les différents domaines évoqués, des états d'Europe sous l'ère napoléonien.

      L'auteur, comme dans tous les livres, joint également une préface dans son ouvrage afin de nous le présenter, de mettre en lumière l'ensemble des résultats de sa recherche sur le rapport entre Napoléon (la France) et l'Europe mais également afin d'introduire une certaine réflexion sur sa personnalité qui a toujours fasciné les historiens de par sa « fulgurante carrière » mais également de par l'ensemble de ses conquêtes de 1804 à 1815.
Woolf introduit ainsi « la vaste entreprise » de modernisation et de réorganisation administrative, juridique, sociale, économique et politique non seulement de la France mais également des pays annexés ou sous-contrôle de Napoléon de sa prise du pouvoir à sa déchéance ainsi que les limites d'une telle entreprise. Il met en avant dans cette préface les éléments de sa recherche et n'hésite pas à se remettre en question comme tout historien se doit de le faire, puisque, il s'est notamment appuyé sur « le travail des générations d'historiens dans toute l'Europe » avant lui en plus de sa propre recherche, au sens strict du terme. Il termine cette préface par remercier ceux qui lui ont permis d'effectuer ce travail colossal ou tout simplement ceux qui lui ont prodigué des conseils visant à l'amélioration et au perfectionnement de son œuvre (collègues, chercheurs, amis,...).

Chapitre I : Les idéaux de la conquête sous La Révolution et l'Empire 

Stuart Woolf commence chaque chapitre (comme l'ensemble des chapitres d'ailleurs) par plusieurs citations d'un personnage, d'un historien ou d'une figure historique, lié au sujet du chapitre abordé. Ainsi, pour introduire son sujet sur les idéaux de la conquête sous la Révolution et l'Empire, Woolf expose dans ce chapitre, une citation de Kaunitz (chancelier de cours et d’État des Habsbourg) dans une correspondance avec l'impératrice Marie-Thérèse (archiduchesse d'Autriche de 1740 à 1780) et une citation de Jacques Peuchet (membre du conseil de commerce au ministère de l'intérieur en 1803). Ce premier chapitre se décompose en plusieurs sous-parties.
      Woolf présente, tout d'abord, les français et leur vision de l'Europe. En effet, à cette époque, la société française d'Ancien Régime est « profondément rurale ».
Ainsi, il s'attarde dans cette partie, à montrer comment les « nouvelles expériences » napoléoniennes en France mais aussi et surtout dans les autres états d'Europe sont perçues par les paysans d'une part et d'autre part, par les élites provinciales. Il démontre, ici, que les informations sur les autres peuples d'Europe proviennent essentiellement des « migrants[...], des récits fantastiques » mais également des « récits de voyage et à la correspondance plus ou moins active » entre les personnes. Woolf s'attarde surtout sur les récits et les livres de voyages avec la publication d'ouvrages entre autres, comme le guide de L. Dutens, qui renseignent les français et donnent une certaine vision de l’Europe. Il soutient également que la propagande des philosophes mais également l'observation et l'expérience des pratiques ainsi que des méthodes en usage dans les sociétés sont également la source des visions françaises de l'Europe et un « atout précieux […] particulièrement apprécié par la classe politique révolutionnaire et qui facilite les carrières administratives » (manufacturiers, négociants, hommes d'affaires,...).
 
      Cette deuxième sous-partie voit Woolf se pencher sur le modèle politique de la Révolution. Il montre la certitude qu'ont les français « de l'excellence et de la supériorité de leur civilisation » depuis Louis XIV et que la Révolution conforte de par « le caractère universel des réformes qu'elle promeut ». Là encore, l'auteur s'appuie sur des exemples précis : les déclarations de Mirabeau et du
Courrier de l'armée d'Italie, s'inscrivent dans cette logique de puissance bienfaitrice et d'« autosatisfaction ». La Révolution « incarnant les idéaux d'une époque nouvelle, investis d'une fonction civilisatrice », porte ainsi comme il le montre, un modèle d'un « nouveau système de relations entre l’État et la société » auquel les pays soumis y sont directement affectés où le système représentatif est limité à « certains critères jugés convenables ». À partir de cet événement, on étoffe la fraternisation et l'unification de la société sous le modèle de la souveraineté populaire. Et enfin, on s'occupe des structures « institutionnelles, administratives, financières et judiciaires ». On croit ainsi comme le démontre Woolf, à une uniformité réelle sous l'Empire, forgée sur la « Raison » des Lumières.

 


     
Ensuite, l'auteur intègre l'expérience de l'expansion territoriale sous la Révolution. Il décrit l'évolution idéologique sous la Révolution, les réactions des principaux révolutionnaires pendant les différentes guerres : « Valmy », « Jemmapes », les désirs de l'Assemblée et ainsi comment la Convention (assemblée gouvernant la France de 1792 à 1795) s'adapte face à tout cela. Woolf montre ainsi les différentes aspirations territoriales des français, inaugurées par les Girondins (groupe politique sous la Révolution). Il souligne les différences autour de ceux qui soutiennent la notion de « frontières naturelles » et ceux qui soutiennes les « républiques sœurs » (États façonnées à l'image de la France). Il décrit les actions des français lors de l'annexion des états ainsi que les politiques (notamment la politique de restructuration de Napoléon), organisations et état des armées durant la période de la Révolution jusqu'à la fin des années 1790. 

      
Pour terminer ce premier chapitre, Stuart Woolf aborde ce qu'il considère comme le « centre de l'historiographie napoléonienne », à savoir la conquête de l'Europe associée à Napoléon. Il tente de définir l'idéologie ou la politique napoléonienne dés ses débuts, autrement dit, si l'idée de conquête sur les différents plans évoqué précédemment (administratif,...) était prédéfinie et à quelle ampleur elle tend à s'étendre en évoquant bien évidemment la politique napoléonienne de restructuration. De manière chronologique, il analyse, ici, les objectifs politiques et économiques de Napoléon qui se constituent en plusieurs étapes sans oublier de souligner les limites d'un tel projet, en évoquant la rivalité farouche de l'empereur envers l'Angleterre (le blocus continental qu'il imposa à l'ensemble de l'Europe de 1806 jusqu'à la fin de son empire visant exclusivement à ruiner l'Angleterre, puissance manufacturière et commerciale certaine à cette époque). Il évoque également ses relations avec les autres états d'Europe (comme celle entretenue avec le Tsar de Russie) en lien avec les victoires militaires en Europe de l'empereur qui constituent la « survie et la consolidation du système impérial ».

Chapitre II : Les instruments de la conquête

Stuart Woolf débute ce deuxième chapitre par une citation de Napoléon, lui-même, extraite des Mémoires du comte Beugnot (Paris,1866) qui est extrêmement révélatrice de sa mentalité à l'époque avec notamment cette phrase plus que claire : « ma confiance est plus solidement établie sur la sévérité de la règle que sur le caractère des hommes ». Ainsi, ce chapitre vise à identifier quelles sont les différents constituants (humains et symboliques) de la politique de l'empereur Napoléon Ier et notamment la constitution des administrateurs impériaux, où chaque responsabilité associée, émane de la capitale, en l'occurrence Paris, qui centralise les pouvoirs. Ce chapitre concentre comme le précédent, plusieurs sous-parties. 
      T
out d'abord, Woolf détermine le rôle important de Paris dans l'attribution des responsabilités dans l'empire napoléonien. Ce qui est alors sous-entendu, réside dans le fait que Paris, est lui-même symbolisé par Napoléon dans le sens où l'empereur est informé dans « les moindres recoins de son Empire » et centralise, à lui-seul, les pouvoirs et l'attribution de telle ou telle responsabilité (par cela, il a le pouvoir de blâmer ou de louer les administrateurs impériaux s'il obtient satisfaction ou non). Woolf montre, ici, que les responsabilités dans l'administration des territoires, dépend de deux critères principaux chers à Napoléon : « la spécialisation par fonction, et le statut du territoire concerné ». Dans cette partie, l'auteur développe ces deux critères à l'aide notamment d'exemples spécifiques. Ces deux critères étant eux-mêmes répartis dans des catégories, elles aussi développées par Woolf (constats et exemples). Tout cela étant géré à Paris (organisation décrite précisément) par Napoléon Ier, afin d'assurer le « maintien effectif de la domination française sur l'Europe ».

      Dans une deuxième sous-partie, l'auteur examine les mécanismes de l'occupation européenne de la France de Napoléon Ier, qui tire les enseignements de la décennie révolutionnaire, toujours dans une volonté de progrès. Woolf effectue une remontée dans le temps avec les quelques caractéristiques liées aux différentes régimes politiques que sont la Convention (1792-1795) et le Directoire (1795-1799), qui laissent place au Consulat de Napoléon (1799-1804). Pour chaque régime, l'auteur présente leur approche vis-à-vis des mécanismes d'occupation à l'aide d'exemples précis (datés et chiffrés) : les conflits ainsi que leur résolution sont explicités. Woolf démontre que les techniques d'occupation de l'Empire de Napoléon Ier s'inscrivent dans une totale rupture avec les précédents, puisqu'il s'agit d'un réel « art perfectionné ». Il s'appuie là encore sur des exemples concrets et montre la variété des méthodes d'occupation utilisées notamment par ses frères (Naples, la Hollande,...).
    

     Ensuite, Woolf présente l'univers des généraux qui sous-entend non seulement le personnel parmi les plus hauts gradés de l'armée de Napoléon mais aussi à travers cela, les intendants généraux et toute l'organisation de l'armée (spécifiquement dans les territoires annexés) dont le chef suprême et incontesté est Napoléon Ier. Woolf montre dans cette sous-partie le rôle centralisateur de Napoléon au sein de sa grande armée ainsi que les rouages de celle-ci en France et dans les pays conquis. Il se concentre sur ces derniers, en évoquant naturellement leur(s) fonction(s), leur(s) composante(s) au sein de la « grande entreprise » de Napoléon et surtout comment Napoléon les considère au sein de son « échelle de valeurs ». L'ensemble de l'administration militaire y est décortiqué minutieusement avec des données statistiques suivant les années et les pays en question, ainsi que des exemples pour caractériser telle ou telle fonction.

     Puis, Stuart Woolf évoque les diplomates, qui reçoivent leurs instructions du ministère des Affaires étrangères de Napoléon. Ils sont ainsi, les représentants de son autorité mais également de la France, au-delà des frontières. L'auteur montre les coûts que cela comporte, leur(s) rôle(s) et comment ils évoluent numériquement et au sein de la société. Woolf démontre qu'ils sont choisis par Napoléon et parfois « sans aucune expérience diplomatique », avec des perspectives de carrières au rôle « disproportionné » et, par conséquent, obtiennent des résultats assez « désastreux ». La plupart sont des généraux plus spécialisés dans le domaine de la guerre que dans les relatons internationales. Les diplomates sont considérés comme essentiels par l'empereur car ils représentent le « prestige de la France », selon Woolf et justifiant ainsi, le fait qu'ils soient plus rémunérés que dans les autres ministères à « grade égal ». Une comparaison révélatrice de l'auteur caractérise la pensée de Napoléon : « ils sont les pions d'un vaste jeu d'échecs […]des instruments de conquête qu'on peut jeter après usage ».

     L'auteur oriente sa recherche des instruments de la conquête, sur ce qu'il nomme « les grands commis ». Woolf expose la théorie de Napoléon selon laquelle il se devait « pour absorber les vastes territoires conquis », de nommer un personnel aux « compétences politiques et administratives toute particulières », autrement dit, des « responsables de l'administration civile des territoires occupés ». Ainsi, tout au long de cette partie, une étude est menée sur ces responsables. Comment ont-ils acquis leur poste ? Qui sont-ils ? Woolf répond à l'ensemble de ces questions à travers la présentation de véritables « experts dans l'art d'introduire dans ces régions nouvellement annexées les méthodes administratives françaises » aussi appelés « grands commis », qui transmettent leurs compétences et leurs savoirs « à la nouvelle génération ». Ce qui diffèrent de certains autres membres de l'organisation militaire (certaines responsabilités de gouverner un pays étaient confiées à la famille et à l'entourage proche de Napoléon).

     Enfin, Woolf s'attarde sur la réelle « incarnation » de ceux qui facilite « l'assimilation du modèle culturel français » dans les pays annexés, autrement dit, les préfets. Ils sont les symboles du système qui consiste à « façonner une Europe à l'image de la France ». Il définit qui ils sont, leur orientation politique, leur milieu d'origine,... Woolf démontre qu'il y a eu une évolution certaine dans l'attribution des préfectures. Petit à petit, Napoléon nomme de plus en plus de préfets (avec une expérience notoire) issus des pays conquis comme le souligne l'étude statistique de l'historien, un moyen pour l'empereur d'asseoir sa main sur
l'ensemble de l'Europe. De plus, l'auteur rappelle que les préfets sont « les plus exposés aux pressions de toute sorte » et constituent ainsi un rouage essentiel de l'administration de Napoléon.

Chapitre III : Les pratiques de la conquête : l'intégration administrative

Woolf commence ce chapitre par une citation d'Honoré de Balzac (écrivain français et journaliste) assez évocatrice là aussi : « Organiser est un mot de l'Empire ». En annexant les différents pays d'Europe, l'historien montre que Napoléon et les français se heurtent à des tensions et même des crises aussi bien sur le plan économique que sociale et particulièrement au niveau local : « les désastres de l'occupation », « les pressions exercées par la guerre », les prélèvements fiscaux toujours plus conséquents pour les pays annexés, autant de raisons qui mécontentent la population locale et qui motivent Napoléon à faire régner l'ordre. Ainsi, dans ce chapitre, Stuart Woolf montre l'instauration du système français d'administration comme garant d'une « société stable et moderne, libérée des scories du passé ».
     Tout d'abord, Woolf évoque la restauration de l'ordre dans les pays sous-influence française. L'historien montre que les administrateurs de l'Empire sont « appelés à marquer une rupture avec le passé » qui se caractérise de deux manières : le « démantèlement » des institutions administratives et politiques ainsi que les « divisions profondes » liées aux bouleversements politiques des années passées. Woolf développe ainsi tout cela à l'aide d'études de cas particuliers aussi révélateurs qu'utiles à la compréhension de la politique de Napoléon vis-à-vis des états annexés. L'empereur commande ainsi à ces administrateurs la conduite à adopter et les missions à accomplir pour la bonne tenue de l'état. Il rapporte également que chaque préfet se doit « de faire une fois par an le tour de leur département » et les charge de récolter des informations statistiques pour avoir une « bonne administration » comme il le souligne avec l'exemple de Naples ou encore l'exemple de la Hollande. Il montre également comment les administrateurs civils se comportent dans ces états où leur collaboration est considérée comme « indispensable ». Il s'attarde ainsi à marquer cette relation « entre occupants les occupés »qui, souvent, donnent lieu à des « difficultés ».

     Ensuite, Stuart Woolf révèle la politique de modernisation de l’État par Napoléon en remontant jusqu'au coup d’État du 18-19 Brumaire (9-10 Novembre) 1799 qui, dés les prémices, montre déjà les intentions de Napoléon Bonaparte et la volonté de modifier un système où la « souveraineté populaire » est littéralement « battue en brèche et manipulée » sous le Directoire. L'historien montre ainsi les changements au niveau politique notamment à l'échelle du pays mais aussi au niveau départemental, que provoque l'instauration d'une politique de modernisation des territoires et de l'administration ainsi que l'uniformisation de celle-ci, régies par un ensemble de lois. Ce sont ces lois, ces mesures prises par Napoléon que Woolf décrit dans cette sous-partie et qui constituent la caractérisation de sa politique, modélisée à travers l'ensemble des pays conquis : la réforme fiscale (les impôts), « pierre de touche de la modernisation de l’État voulue par Napoléon » ; la réforme juridique (le Code civil), « objet d'étude et d'admiration » ;... et ainsi comment elles sont perçues dans les pays annexés.

     Puis, Woolf expose la relation entre administration et société, les deux piliers de la politique de Napoléon en matière de modernisation et d'évolution de l’État. L'historien démontre qu'« une bonne connaissance de la société et de ses figures dominantes » est le gage des « effets positifs » sur l'administration. Il montre l'organisation des sociétés représentées par les élites au « qualités particulières », repérées par les enquêtes statistiques évoqués dans les sous-parties précédentes. Il souligne également les caractéristiques de la société : « ses ressources, son économie et ses structures institutionnelles ». Le lecteur a ainsi plus d'informations sur l'ensemble de ses fonctionnaires dont une bonne partie ont été évoqué précédemment (cf préfets,...) et surtout à quels problèmes ils sont confrontés.

     Stuart Woolf s'attarde, ensuite, sur les contraintes de l'espace physique et social. L'obligation qu'on les états à se référer au modèle français cause quelques mécontentements. De même, au début, l'imposition des réformes se fait « par un processus d'erreurs ». Cela se fait petit à petit par « l'exercice de pressions de plus en plus fortes ». Pour Napoléon, c'est surtout « l'occasion de profiter des avantages de l'admirable modèle qu'elle (la France) a créépur l'avenir sans avoir à supporter les douleurs de son enfantement révolutionnaire ». L'historien montre que le problème central réside dans « la nécessaire adaptation du modèle français » et du fait que Napoléon « refuse la manière douce ». Étant donné la « multiplicité des situations locales », les « causes de friction sont multiples ». L'auteur fait l'inventaire dans cette sous partie de toutes les contraintes et difficultés d'un tel projet : le manque d'expériences et de réelles capacités de certains fonctionnaires (l'auteur parle de « pénurie de gens du pays doués des mêmes compétences et de la même conscience professionnelle que les fonctionnaires français »), le refus d'accepter les réformes,...

      Enfin, Woolf montre les différentes contradictions de l'intégration. À l'image du concept
d’État qui évolue et change, l'auteur montre les différentes changements « dans la politique des dispositions institutionnelles imposés à la France et aux États satellites ». De plus, l'historien souligne le réel contraste « entre certaines règles constitutionnelles et les pratiques réelles ». Il présente ainsi ce que Napoléon nomme le « gouvernement libéral » en évoquant cette association entre l’État et la société. Un tel monde constitue son souhait et son ressenti le plus profond comme en Westphalie où Napoléon a pu « créer un État modèle », d'où le fait « de le voir insister sur les moyens qui permettent d'assurer un large appui dans la société ». Et ainsi, il liste les réformes de l'empereur, non en s'attardant sur leur contenu mais plutôt, sur la manière dont elles ont été transmises à la société ainsi que leurs conséquences.

Chapitre IV : Les pratiques de la conquête : l'exploitation

Pour débuter ce chapitre, Woolf met en avant une citation de Napoléon Bonaparte, extraite d'une lettre du 13 novembre 1807, adressée à Louis Bonaparte, son frère et roi de Hollande, et qui montre la véritable politique d'exploitation, émanant de Napoléon : « Les Romains donnaient leurs lois à leurs alliés : pourquoi la France ne ferait-elle pas adopter les siennes ? ». On voit par là, la pertinence de la citation, qui sous-entend les similitudes certaines entre Jules César (les romains) et Napoléon (les français) : une immense armée, les nombreuses conquêtes les caractérisant, une volonté de moderniser et de faire évoluer la
société (la civilisation) en apportant un modèle de développement ainsi qu'une uniformisation des pratiques et des lois sociétales. Ce chapitre se compose de plusieurs sous-parties.
     Tout d'abord, l'historien présente la politique économique de Napoléon, avec toujours une remise en contexte et un rappel des politiques antérieures. Il établit une véritable étude de la politique économique exercée par Napoléon sur l'ensemble du territoire et des pays annexés. Il montre ainsi la place de l’État qui « se voit contraint de jouer un rôle de plus en plus actif » comme le fait de soutenir « les manufactures françaises au dépens des anglaises » et présente l'objectif premier de Napoléon dans le domaine économique, qui est la création d'un « grand marché continental ». Il introduit, ainsi, la véritable « politique de discrimination douanière contre les produits anglais ». Après l'avoir définit, Woolf expose les conséquences (avantages et inconvénients) d'une telle politique économique notamment pour les économies régionales.

 


      Ensuite, dans la continuité de la sous-partie précédente, l'historien présente ce qui constitue le symbole d'« une guerre économique contre la Grande-Bretagne » : le blocus continental. Institué par les décrets de Berlin du 21 Novembre 1806 et de Milan du 23 Novembre, 17 Décembre 1807, cet aspect de la politique économique de Napoléon est décrypté : Comment il se caractérise ? À qui profite-t-il ? Quelles sont les conséquences économiques, sociales de l'isolement du commerce anglais ? Tant de questions auxquelles Woolf répond dans cette sous-partie avec une base de données statistiques conséquente afin de bien souligner l'impact de cette décision politique sur l'ensemble du continent européen. Tout cela à travers des exemples concrets de plusieurs pays européens : Italie, France, Allemagne,... et le respect de la chronologie des événements. Une telle politique qui s'avère avoir des « conséquences sociales négatives » entraîne des débordements, des révoltes, auprès des populations locales notamment, ce dont Woolf expose les faits en fin de partie

      Puis, Stuart Woolf évoque le phénomène de conscription. Pour tenir une armée aussi grande que celle de Napoléon, il faut évidemment mobiliser, parmi la population civile, ceux qui vont s'engager et constituer l'armée de l'empereur. Woolf démontre que la conscription est « une intrusion dans la vie privée et sociale ». Il montre la « composition sociale » de l'armée et analyse les différentes périodes de désertion et de menace de sa destruction, ainsi que les différentes informations nécessaires pour bien la définir (date de création, évolution,...). Tout cela, afin pour Napoléon de soutenir « l'application du nouveau système », qui laisse petit-à-petit, le soin aux « autorités communales le choix des enrôlés ». Cette conscription est détestée et les études de Woolf montrent cette réelle « hostilité » envers la conscription. Il montre également les résistances à travers « les variations régionales » regroupé dans une notion symbolique qu'est « l'insoumission ».

      L'historien après avoir évoqué les moyens de constituer son armée, évoque cette dernière au sens large du terme. Ainsi, il témoigne du sincère amour de Napoléon envers ses soldats (« Napoléon n'est jamais si heureux qu'au milieu de ses soldats ») et plus largement de la façon dont il la perçoit et des moyens qu'il met en œuvre pour sa bonne tenue : l'attention « particulière » portée aux officiers, le « rôle des écoles et des académies militaires » dans la formation pou les soldats et les officiers,... Il montre également comment les historiens, les politologues perçoivent cela.

      Enfin, Woolf aborde la question du privilège social. Il évoque le changement entre « l'aspiration à l'égalité sociale » né de la Révolution Française et « une nette division » entre les « travailleurs » et les « possédants » dans le Consulat et plus encore dans l'Empire où Napoléon nomme les membres de sa famille sur les différents trônes d'Europe, où les élites (riches) sont ceux qui s'occupent de leur pays, où l'esclavage est réapparut dans l'Empire,... La création d »une noblesse d'Empire n'en est que le symbole véritable d'une France et d'une Europe dominée par les élites au détriment des gens du peuple. C'est ce qu'on appelle le privilège social.

Chapitre V : Réponses à la conquête

Dans ce dernier chapitre, l'historien évoque deux citations. L'une est de Lareintz, intendant de Raguse, du 1er mars 1813 : « Nous avons à faire à des peuples trop ignorans, trop éloignés de la civilisation, et surtout trop pauvres pour espérer de pouvoir arriver tout d'un coup ». L'autre est du peintre Goya : « S'ils sont d'autre lignée... », extraite des désordres de la guerre. Cela caractérise la pensée de l'époque et la vision de la société où le peuple pauvre et non instruit était (pour employer le terme de Woolf) sous entière « exploitation » de ceux qui dirigent, les riches, les élites (la noblesse de l'empire). Ce qui suscite bon nombre de réactions (principalement au niveau local) et tendent les relations entre pays annexés et l'autorité de Napoléon.
      Tout d'abord, Woolf évoque la collaboration. Il montre ainsi que toutes sociétés, à cette époque, sont basées sur un aspect dichotomique : « il y a l'élite et il y a le peuple ». Il montre que la collaboration est un processus qui va se développer car l'administration à « d'autant plus besoin des élites » et les élites sont alors à même de comprendre le peuple. Tout cela, Woolf l'évoque à travers une étude de l'« analyse de la société qui prévaut dans l'administration napoléonienne », une étude du contexte et des motivations liés à la collaboration et comment elle se caractérise à cette époque ainsi que le rôle qu'elle exerce auprès de Napoléon.

      Ensuite, Stuart Woolf s'attarde sur les ouvertures économiques. Il expose le fait que les bouleversements politiques « perturbent les systèmes économiques établis » et tendent les relations sociales. Il évoque ainsi la « restructuration administrative » effectuée par Napoléon. Il aborde la notion de « propriété » qu'il caractérise à l'aide d'exemples, la notion de « biens nationaux », constituants un atout considérable surtout en situation de Blocus continental. Comment sont réparties ces propriétés ? Quelles sont leurs statuts au sein de la société ? C'est ce que Woolf développe dans cette sous-partie.

      Puis, l'auteur évoque la Religion. Il définit, d'abord, ce terme. Il évoque la place de la religion dans la société napoléonienne et la compare entre les pays. Il remet tout cela, dans le contexte de l'époque, avec les nombreuses divergences religieuses qui ont secoué la France notamment pendant la Révolution et démontre que l’État et l’Église ont été amenés à « plus de prudence ». Il évoque ainsi la situation du clergé durant l'Empire et son comportement dans le contexte de guerre. Il associe cette période à « d'intenses campagnes visant à ramener le peuple à leurs obligations religieuses » et encourage la « piété populaire ». Il finit par évoquer l'influence de la religion sur les différents groupes sociaux.

     Woolf va, ensuite, présenter les différentes pratiques sociales au sein de la société française et dans les pays conquis. Il analyse le processus de pratique sociale qui se caractérise en fonction des différentes parties de la société : c'est notamment à l'époque de Napoléon que se développent « le salon » parisien, terme qu'il définit et qu'il décrit. Il démontre ainsi dans cette partie comment « l'exportation des modèles français de sociabilité » fait-elle « partie intégrante du processus visant à hausser le niveau de civilisation dans les autres nations ». En cela, il analyse la manière dont le régime napoléonien est « déterminé à surimposer ses propres formes de sociabilité ».

     Enfin, l'historien examine les différentes résistances au modèle français et plus généralement à l'hégémonie française. Il montre très distinctement les différentes façons de résister à la volonté d'uniformisation de Napoléon en Europe sur le modèle qu'il a lui-même mis en place : luttes armées, adaptation par la collaboration (cf passage sur la collaboration)... Toutes les formes de résistances, Woolf démontre quelles sont sévèrement punies sous Napoléon ceux qui tentent « de harceler et de chasser l'occupant ». Il s'appuie sur des exemples concrets de répressions violentes comme celle d u Maréchal Murat pour réprimer les « désordres du Dos Mayo ». Des résistances qui comme le montre Woolf, profitent des guerres pour ajouter du désordre et rejeter l'autorité de l'empereur.

Épilogue : l'héritage 

     À travers cette dizaine de pages, Woolf détermine ce que tout contemporain et tout politicien a retenu de l'expérience napoléonienne. Il démontre ainsi comment par la suite certains individus vont s'inspirer de la volonté de prédominance française en Europe pour établir une gouvernance de longue durée à l'échelle locale, départementale, régionale ou même nationale. Par la suite, l'auteur montre que certains pays vont conserver le système napoléonien par peur de graves crises internes. Ainsi, à travers sa recherche, Stuart J. Woolf détermine que l'expérience napoléonienne a ainsi donné au monde entier une modernisation administrative certaine où chaque individu a son rôle et qui laisse encore des traces même chez les contemporains.

Critiques :

     Cet ouvrage constitue un travail colossal de la part de l'auteur : la bibliographie (plusieurs dizaines d'ouvrages répertoriés), la longueur du livre (346 pages, épilogue compris), la diversité des notions abordées (notes de pages extrêmement longues) font que cette œuvre s'inscrit parmi les grands répertoires historiques. Cet ouvrage forme, ainsi, une excellente base de données potentiellement utile aux historiens (dans la retranscription de l'histoire sous Napoléon) mais également aux politiciens (comprendre le fonctionnement de l'Empire), aux économistes (source de données économiques variées) et aux sociologues (comprendre les comportements dans l'histoire). Il est réellement intéressant mais il n'est pas mis en valeur dans le sens où l'absence de couleurs, d'images se fait ressentir. Il est, selon moi, trop centré sur l'aspect de la conquête administrative, sociale, juridique et politique. L'essentiel lorsque l'on étudie Napoléon réside pour moi dans la référence à ces conquêtes guerrières, volontairement évitées dans cette œuvre. Cela est donc décevant sur ce point.
Globalement, ce livre est pour moi trop long et reste assez difficile à lire à cause de cela. Mon ressenti général est donc assez négatif sur cet ouvrage.

Références bibliographiques sur le thème Napoléon Ier et ses conquêtes :

BELL David Avrom, La première guerre totale l'Europe de Napoléon et la naissance de la guerre moderne, Champ Vallon, Seyssel, 2007.

LENTZ Thierry,
La France et l'Europe de Napoléon (1804-1814), Fayard, Paris, 2007.

POLISENSKY Joseph,
Napoléon et le cœur de l'Europe, Prague Svoboda, 1971.

TULARD Jean,
Napoléon ou le mythe du sauveur, Hachette, Paris, 2002.




 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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  • Ce blog a pour objectif de partager les fiches de lecture réalisées par les étudiants de Licence 1 d'histoire et de géographie de l'Université de Nantes. Ces fiches portent sur l'histoire de la France au XIXeme siècle. Bonnes révisions!
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